Ma petite histoire de l’informatisation des bibliothèques – Episode 3

Après la scène, l’envers du décor… RFID et SGTP

Dans mes deux premiers épisodes, j’ai traité de ma petite histoire du SIGB et du portail-bibliothèque en ligne, c’est-à-dire des stars du système d’information des bibliothèques.

Mais comme toutes les stars, ces deux-là ont besoin de tous ceux et celles sans lesquels rien ne fonctionnerait et que l’on ne voit jamais, sauf au générique… Maquilleuses, habilleuses, imprésarios, secrétaires, cadreurs, photographes, décorateurs, accessoiristes, et même traiteurs, ou personnel de surveillance…

Il en va de même dans la constitution complexe du SI. Pour que puissent briller de tous leurs feux les logiciels qui satisfont les bibliothécaires et le public, la machinerie sous-jacente doit être d’une grande fiabilité. Et cette machinerie est faite de deux grandes familles de systèmes ; le système de gestion des terminaux publics (SGTP) ou espace public numérique (EPN), selon la terminologie des uns ou des autres, et le système de gestion de la circulation par puces sans contact, la RFID (Radio-frequency IDentification).

Honneur aux aînés : le SGTP/EPN

Honneur aux anciens, nous allons aujourd’hui nous occuper de l’ancêtre.

Au début, le monde était simple… Au 8ème jour, après qu’il se fut reposé, Dieu créa le SIGB, vers 1980. Et le SIGB, comme toutes les créations du grand Barbu, était parfait. Une grosse machine, de gros disques durs à petite capacité, des petites mémoires et des câbles. Et au bout des câbles, des terminaux… simples, bêtes, sans mémoire, affichant un à un des caractères verts ou ambrés, et obéissant aux injonctions de la « Machine ».

Hélas, hélas, les êtres humains, sous leur forme pourtant la plus aboutie, le bibliothécaire, vinrent occasionner une regrettable entropie dans ce magnifique tableau édeno-arcadien… Ils se mirent à demander des interfaces graphiques, des terminaux intelligents, des PC, la connexion d’imprimantes, de photocopieurs, puis d’appareils qui ne supportaient pas d’être en laisse au bout des câbles, comme des tablettes ou des liseuses… Les usagers s’y mirent à leurtour, arrivant à la bibliothèque avec leur propre ordinateur portable, leur tablette, leur smartphone… Et même, ils exigèrent que, lorsqu’ils se connectaient à partir de chez eux, on leur offrît les mêmes fonctionnalités qu’à la bibliothèque ! Certains fâcheux voulurent pouvoir connecter leur clé USB aux PC, accéder à des suites bureautiques, avoir un peu d’espace à eux sur les disques durs du système. Ils voulurent pouvoir réserver des postes, alors que les bibliothécaires voulaient contrôler le temps qu’ils allaient passer sur ceux-ci. D’autres ou les mêmes s’offusquèrent que l’on donnât accès à des sites fort discutables ; d’ailleurs la loi s’en mêla. Les plus diaboliques tentèrent de hacker les systèmes. On voulut que les usagers se fassent reconnaître pour accéder à certaines autorisations…

Bref, l’ordre et le calme divins furent bientôt renversés par la diabolique tentation de faire plus et mieux, dans une ébullition informatique et fonctionnelle qui, reconnaissons-le, vinrent à bout des meilleurs volontés. D’autant que le nombre des appareils destinés au public devenait de plus en plus important et qu’il fallait chaque jour mettre sous tension tous ces postes, les éteindre, modifier leurs autorisations, leur affectation, faire appraître comme par magie une interface pour enfants ou pour handicapés visuels sur un poste qui juste avant était dédié à la bibliothèque musicale…

Des fonctionnalités par milliers

C’est ainsi que les fonctions s’accumulèrent pour former progressivement un ensemble de services et d’outils essentiels au fonctionnement public des bibliothèques et des médiathèques, même s’il est invisible. Certains le nomment espace public numérique, d’autres système de gestion des terminaux publics. En tout cas, ce logiciel de gestion doit aujourd’hui offrir les fonctionnalités suivantes:

  • Fonctionnalités de gestion du poste lui-même et de sa sécurité
  • Fonctionnalités de contrôle des accès internet et de l’identification des usagers et de leurs droits
  • Fonctionnalités de gestion des impressions, des réservations, des quotas, etc., des
  • Fonctionnalités de gestion du parc informatique
  • Et bien sûr, statistiques !

On le voit donc, ce logiciel caché est l’un des outils les plus utiles aux bibliothèques et aux médiathèques publiques, permettant un retour à la simplicité de fonctionnement des origines, sans rien perdre de la richesse de l’offre aux usagers.

Ces fonctionnalités se sont construites progressivement, à partir du début des années 80 et de l’appartion de l’hétérogénéité dans les périphériques offerts au public. Des systèmes cohérents bâtis à partir de ces fonctionnalités se sont constitués comme tels à partir de la fin des années 90 et ont trouvé leur forme aboutie depuis une dizaine d’années, s’enrichissant sans cesse de nouvelles fonctions destinées à faciliter la vie des bibliothécaires et du public, pratiquement à l’insu des uns et des autres, comme tout bon majordome ! Mais un SIGB et un portail ne seraient rien sans cette souterraine activité.

Aujourd’hui, de nombreux fournisseurs sont à la disposition des bibliothèques, qu’ils viennent du monde des SIGB ou de celui, bien représenté dans le domaine, des systèmes pour l’enseignement secondaire. Comme souvent, si l’offre est vaste, elle n’est pas homogène et, leitmotiv de ces épisodes, tous ne se valent pas ! Ici, comme pour les autres éléments, un cahier des charges précis et une étude attentive permettront à chacun de trouver le SGTP de ses rêves (mais rêve-t-on de SGTP ou d’algorithme ? C’est une autre question, que chacun résoudra avec son psychanalyste…).

A bientôt, pour un épisode décoiffant, la RFID et les bouleversements qu’elle occasionne dans le fonctionnement des établissements, « Des oreilles des vaches à la liberté d’aller et venir »…

//Jean-Pierre Sakoun

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